dimanche 19 juin 2011

L'affaire des époux VERDIER 2/3



    Le procès se déroule du 31 juillet au 17 août 1848 à la Cour d'Assises de la Seine Inférieure à Rouen. Huit hommes et cinq femmes sont inculpés pour l'assassinat des époux Verdier.

Les chefs d'accusation, du 7 juin 1848, sont les suivants :
  • Double homicide volontaire sur les personnes de Verdier Jean François Joseph et de sa femme Desmarais Marie Anne ;
  • Vol d'argent, de linge, divers effets et objets mobiliers au préjudice du couple Verdier, à l'aide d'effractions, en recourant aux armes ;
  • Recel des objets volés ;
  • Divers autres chefs d'accusations tels des vols de volailles, de lard, de joncs marins pour certains des treize inculpés.
Pour les courageux, j'ai transcrit l'arrêt de la cour d'Appel de Rouen, Chambre des mises en Accusation du 7.06.1848.

    Le 17 août, au terme de 18 jours d'audience, les jurés délibèrent de quinze heures à une heure trente. On imagine la difficile tâche des jurés d'établir la culpabilité ou non des individus formant la bande à Chatel suite aux innombrables auditions des témoins et accusés. Durant ce temps, la vaste salle des assises est envahie par une foule de curieux, désireuse d'entendre un verdict sévère.

Journal de Rouen du 18 août 1848 – AD76

« Les accusés Lerat, Caquelard, Durand, femme Aublé, fille Toupain et fille Carpentier, ont été déclarés non coupables sur tous les chefs d'accusation. En conséquence de ce verdict, M. le président a ordonné leur immédiate remise en liberté.
Les accusés Chatel, Lemarchand, Anceaume et Aublé, ont été déclarés coupables du crime d'assassinat sur la personne des époux Verdier. La femme Demitty a été déclarée leur complice, par recélé des objets volés à la suite de cet assassinat. Coco, dit Mention et la fille Boudier, ont été déclarés coupables sur divers autres chefs d'accusation.
Le jury a établi des circonstances atténuantes en faveur d'Aublé. »

Journal de Rouen du 18 août 1848 – AD76

    Maintenant la cour se retire et trente minutes plus tard prononce sa délibération tant attendue. Voici un bref portrait des treize accusés, leur condamnation et leur devenir pour certains d'entre eux grâce aux informations que j'ai pu glaner dans diverses archives.

1/ DURAND Michel, 34 ans, rémouleur et marchand d'allumettes chimiques : 
  • acquitté
2/ LERAT Alexandre, 38 ans, marchands de jouets d'enfants :
  • acquitté
3/ CARPENTIER Marie Angélique, fille de Boudier Marie Rose,femme de Mention Jean Louis Michel, 36 ans, marchande de rubans : 
  • acquittée
4/ CAQUELARD Pierre, 41 ans, poissonnier et marchand de pains d'épices :
  • acquitté
5/ RIMBERT Rosalie, femme de Aublé Jean Guillaume, 32 ans, blanchisseuse :
  • acquittée
6/ TOUPAIN Marie Angélique, 30 ans, Bimblotière : 
  • acquittée
7/ BOUDIER Marie Rose, 75 ans, dite veuve Chatel, dite Pelletier, dite Vilain, dite levilain, dite Carpentier, ayant eu des relations suivies avec Nicolas FOURNIER père (exécuté en 1838 suite aux meutres de Saint martin le Gaillard) : 
  • 5 ans de réclusion pour association de malfaiteurs.
  • Elle fera sa peine à la maison centrale de Clermont (60), et en sortira théoriquement le 21.09.1853 (j'attends les photos de son registre d'écrou pour avoir sa date de sortie réelle)
8/ MENTION Jean Louis Michel, dit Coco ou Coquereau, 38 ans, se dit marchand : 
  • 7 ans de réclusion pour association de malfaiteurs et par corps aux frais du procès.
  • Il fera ses 7 ans à la maison centrale de Gaillon (27) et sera libéré le 22.09.1855.
9/ MORGAND Mélanie, 36 ans, propriétaire : 
  • 15 ans de travaux forcés pour vols qualifiés et associations de malfaiteurs.
  • Elle fera sa peine au bagne des femmes à Clermont (60) et en sortira théoriquement le 21.09.1863. (j'attends les photos de son registre d'écrou pour avoir sa date de sortie réelle)
10/ AUBLE Jean Guillaume, 37 ans, Garde-moulin, mari de Rosalie Rimbert : 
  • 20 ans de travaux forcés pour assassinat, vols et association de malfaiteurs. A bénéficié de circonstances atténuantes.
  • Il sera transféré au bagne de Brest en attendant d'être embarqué le 24.04.1852 sur La Forte pour le bagne de Cayenne. 
  • Il repartira pour la métropole le 19 février 1866, 2 ans avant la fin de sa peine théorique.
11/ CHATEL Jacques, 44ans, fils de Marie Rose Boudier, marchand de jouets d'enfants :
  • Condamné à mort pour assassinats et vols, la nuit, à plusieurs, avec effraction extérieure et intérieure dans des maisons habitées ou dépendances dans les arrondissements de Dieppe et Neufchâtel pendant les années 1845 et 1846 et association de malfaiteurs.
  • Sa peine sera commuée en celle de travaux à perpétuité. 
  • Probablement déjà malade, il ne sera pas transféré au bagne et décédera 5 mois plus tard, le 15.02.1849, à l'infirmerie des hommes de phtisie pulmonaire.
12/ ANCEAUME Pierre, dit Grand Pierre, 53 ans, journalier :
  • Condamné à mort d'avoir commis volontairement plusieurs assassinats et vols, la nuit, à plusieurs, avec effraction extérieure et intérieure et association de malfaiteurs.
  • Sa peine sera commuée en celle de travaux forcés à perpétuité. 
  • Il sera transféré au bagne de Brest le 17.04.1849 où il décédera le 5.09.1856. Pourquoi n'a-t-il pas été transféré au bagne de Cayenne?
13/ LEMARCHAND Dominique, 36 ans, boucher : 
  • Condamné à mort d'avoir commis volontairement plusieurs assassinats et vols, la nuit, à plusieurs, avec effraction extérieure et intérieure et association de malfaiteurs.
  • Il sera exécuté le 21.11.1848 à 9h sur la place Bonne Nouvelle (où se situe l'actuelle maison d'arrêt de Rouen).


    Sept personnes seront donc inculpées avec trois condamnations à mort dont deux seront commuées en peine de travaux forcés à perpétuité le mois suivant.

Journal de Rouen du 18 août 1848 – AD76

 
    Un hommage sera rendu à mes ancêtres dans leur village et à mon tour je leur rends hommage à ma manière en écrivant cet article.
Essai historique et archéologique sur le canton de Londinières, J.E. Decorde, 1851


     Oh mes aïeux, mais ne serait-ce pas la tête de ce LEMARCHAND qui est conservée au Musée de la médecine de Rouen ?? Mais ceci fera l'objet d'une autre enquête ...

 
Sources:
Registre d'écrou de Gaillon - AD27
Journal de Rouen - AD76
Registre d'écrou de la maison de justice de Rouen - AD76
Dossier de bagne de Cayenne - ANOM
Registre d'écrou bagne de Brest - SHM Brest
Causes célèbres de tous les peuples par C. Dupressoir 1849 - Google livres
Essai historique et archéologique sur le canton de Londinières, J.E. Decorde, 1851

5 commentaires:

  1. La tête du décapité est assez horrible à regarder! C'est glauque.
    Merci pour l'histoire, et surtout pour le dénouement! Comme quoi, il y avait déjà de la délinquance au fin find de la Normandie il y a plus d'un siècle.
    C'est intéressant de connaître le sort des accusés.

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  2. Oui et quelle violence !!!

    Je n'ai pas pu voir la tête au musée car elle était dans la réserve mais j'ai pu voir les moulages des têtes des assassins des crimes de Saint Martin le Gaillard (précédents articles). Je ferai un article sur ces têtes.

    Je vois que tu es toujours aussi productif sur ton blog et j'ai pu lire un article sur toi dans la Revue Française de Généalogie ;)

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  3. Tes recherches me font penser aux miennes lorsque je traquais mes ancêtres et leurs collatéraux criminels.

    Mon seul regret pour mes recherches c'est de ne pas avoir pu obtenir le dossier complet de cours d'assises concernant les collatéraux qui sont partis au bagne de Cayenne, les archives de Bordeaux ont été incapable de me le fournir et tout aussi incapable de m'expliquer pourquoi les dossiers de ce type manquaient à l'appel, sans doute détruit accidentellement ou volontairement dans des opérations de destructions d'archives dites non intéressantes pour l'histoire ...

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  4. Oui c'est étrange...

    Entre mon bagnard, mes assassinés et mon guillotiné, j'ai eu de quoi farfouiller dans les archives judiciaires... et j'aime ça!

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